La politique culturelle de l’Afrique au cours des dix dernières années, en tenant compte des dynamiques régionales, continentales et internationales.
Au cours des dix dernières années, l’Afrique a vu un regain d’intérêt pour la culture en tant que vecteur de développement, d’identité et de diplomatie. Plusieurs pays ont revu leurs politiques culturelles pour mieux intégrer le rôle de la culture dans la croissance économique (industrie culturelle et créative), l’éducation, la cohésion sociale, la gouvernance et la préservation du patrimoine.
L’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) reconnaît la culture comme un pilier du développement. L’aspiration 5 vise « une Afrique avec une forte identité culturelle, un patrimoine commun, des valeurs et une éthique partagée ». Cela a encouragé plusieurs initiatives : notement le Plan d’action pour la relance des industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique, le soutien au Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA) et au FESPACO, l’Année de l’Union africaine pour les arts, la culture et le patrimoine (2021).
Bien que signée en 2006, la charte de la Renaissance Africaine a connu un regain d’intérêt, plusieurs pays ayant intensifié leurs efforts pour sa ratification et sa mise en œuvre effective.
Certains pays comme la République de Guinée, le Sénégal, le Maroc, le Rwanda, le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Bénin ont consolidé leur ministère de la culture, augmenté leurs budgets culturels et créé des agences dédiées à la promotion de la culture.
Dans le domaine des Industries créatives, considérées comme leviers économiques, des pays ont investi dans :
– L’audiovisuel : avec le boom du cinéma nigérian (Nollywood), les productions au Sénégal, au Kenya, en Afrique du Sud.
– La musique : explosion de l’afrobeats, amapiano, trap francophone, avec des artistes devenus des ambassadeurs culturels internationaux.
– Les arts numériques et le design.
Ces initiatives ont permis de créer de l’emploi, attirer les investisseurs (Netflix, Canal+, Amazon, etc.) et stimuler la croissance.
L’un des sujets majeurs de la dernière décennie a été la revendication et la restitution des objets culturels africains détenus par les anciennes puissances coloniales. Nous allons citer certains faits marquants : le rapport Sarr-Savoy (2018) sur la restitution du patrimoine africain en France, la restitution par la France au Bénin (26 œuvres en 2021) et au Sénégal, la pressions sur l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni pour restituer les bronzes du Bénin et autres artefacts.
Ce mouvement a ravivé un débat sur la mémoire historique, l’identité culturelle et la justice postcoloniale.
Certains pays tel que la République de Guinée ont lancé un vaste projet de réhabilitation et de construction de musées physiques et virtuels.
Sur le plan de l’éducation et la transmission culturelle, plusieurs États ont intégré des programmes d’éducation artistique dans les écoles, avec la promotion des langues africaines, l’intégration des valeurs traditionnelles, orales et communautaires dans les programmes éducatifs, la mise en place d’institutions de formation (écoles de cinéma, conservatoires, centres artistiques).
Malgré les progrès, la part du budget allouée à la culture reste faible dans la majorité des pays africains (souvent < 1%).
Beaucoup de régions manquent encore d’infrastructures culturelles : bibliothèques, musées, salles de théâtre ou cinéma.
Avec la diplomatie culturelle et le soft power, on assiste à la montée de la culture africaine sur la scène mondiale. Des artistes africains se font remarquer dans la mode, le cinéma, la musique, la littérature. On remarque aussi la participation accrue dans les biennales, expositions internationales, festivals.
En fin, des ponts culturels se créent avec les diasporas africaines.
Pour asseoir leur influence, des pays ont utilisé la culture de façon stratégique: les pays comme le Maroc, la République de Guinée ou le Rwanda utilisent la culture pour marquer leur leadership continental. Pour certains, on remarque la multiplication des instituts culturels africains à l’étranger (ex : centres culturels sénégalais, sud-africains).
L’association de l’innovation numérique et la culture a permis la démocratisation de la production et diffusion culturelle (YouTube, TikTok, Spotify, etc.), l’émergence de plateformes africaines de streaming et de promotion culturelle et l’essor de la culture gaming, de l’art numérique (NFTs) et de la réalité virtuelle dans la valorisation du patrimoine.
La dernière décennie a été une période de renouveau culturel africain, marqué par un fort réveil identitaire, des revendications patrimoniales, un essor des industries culturelles et créatives, et une meilleure reconnaissance de la culture comme facteur de développement.
Cependant, les défis de financement, d’infrastructure, de liberté artistique et d’intégration dans les politiques publiques demeurent. L’avenir de la politique culturelle africaine dépendra de la capacité des États à faire de la culture une priorité transversale, soutenue par des politiques inclusives, des investissements durables, et des coopérations régionales solides.
Alpha SOUMAH
Ancien Ministre de la Culture, du Tourisme et de l’artisanat en Guinée