La culpabilité a un sens très précis au plan juridique, tout au moins. Les faits de violations des droits de l’homme notamment qui se commettent sous nos yeux depuis des décennies répondent tous à des qualifications pénales et sont susceptibles d’être imputés, en cas de procès, à des personnes. Ce ne sont pas des diables qui viennent de nulle part pour tuer, emprisonner injustement ou faire disparaître des citoyens. Ce ne sont pas non plus des êtres invisibles qui pillent nos ressources. Ce sont des hommes et des femmes qui, à un moment donné, ont été investis de pouvoirs plus ou moins étendus. Mais, au lieu d’exercer ces pouvoirs dans la légalité, ils s’en servent ou s’en sont servis pour commettre des actes qui portent atteinte aux droits des citoyens ou pour s’enrichir au détriment de la grande majorité.
Ce sont des auteurs, des co-auteurs ou des complices selon leur degré de participation aux crimes ou délits commis.
Les actes commis ont des noms selon la loi et leurs auteurs directs ou indirects ont des visages. Nous ne pouvons pas tous commettre ces actes. Ce n’est possible ni matériellement ni intellectuellement. Est coupable celui qui tue, enlève, arrête, détient sans titre, séquestre, fait disparaître, torture. Est coupable, celui qui commandite ces actes en donnant des ordres ou, parfois, en laissant simplement faire. Il ne faut pas chercher très loin. Trop d’intelligence peut nous jouer parfois des tours.
La responsabilité pénale est personnelle. Et d’ailleurs, le législateur va plus loin en créant la responsabilité du commandement pour éviter, dans certains cas, qu’un dirigeant se retranche derrière le fait qu’il n’ait pas matériellement commis un crime, dans le but d’échapper à la sanction.
Lorsque des procès portant sur des dossiers de violations de l’homme ou d’autres crimes deviendront “normaux” c’est-à-dire des procès dont l’unique but est de rendre justice, de lutter contre l’injustice et de ne pas mettre dos à dos victimes et bourreaux, et non de séduire une certaine opinion pour en tirer un profit dans la mise en œuvre d’un agenda personnell, il devient facile de dire qui est coupable et qui ne l’est pas.
L’impunité n’est pas une fatalité. Elle résulte d’une absence criarde de volonté politique et de courage des magistrats. Ce qu’il faut briser à tout prix..
C’est pour toutes ces raisons que la balle est et demeure dans le camp de la justice. Celle-ci doit refuser d’être tout le temps “la chose” des gouvernants du moment, l’instrument au service de tous les régimes qui succèdent.
Maitre Mohamed Traoré
Avocat et ancien bâtonnier de Guinée